Afin de célébrer son inauguration en Lorraine, le 12 mai, le centre Pompidou-Metz propose une exposition qui invite à réfléchir sur la notion de chef-d'oeuvre. Définition, histoire...
Il y a quatre ans, lorsque Laurent Le Bon, fraîchement nommé patron du Centre Pompidou de Metz, discutait de son futur musée avec des Lorrains, ces derniers ne cachaient pas leur scepticisme : "L'architecture sera peut-être réussie, mais nous n'aurons droit qu'aux oeuvres de seconde zone!" Ainsi a germé, dans l'esprit du directeur, l'idée d'organiser une exposition consacrée aux chefs-d'oeuvre. Sous le toit aérien du bâtiment, réalisé par Shigeru Ban et Jean de Gastines, il a réuni 800 pièces, provenant en grande partie de Beaubourg et signées de 150 artistes, de Kandinsky à Picasso et Buren.
Alors... à propos de "chef-d'oeuvre"...
Qu'est-ce qu'un chef-d'oeuvre ?
Le terme remonte au Moyen Age. Les artisans, membres de corporations de métiers, devaient fabriquer un chef-d'oeuvre pour passer maîtres et ouvrir un atelier. Au XVIIe siècle, les peintres présenteront à l'Académie, selon ce même principe, leur "morceau de réception." L'acception du mot ne sera complète que lorsque tableaux et sculptures deviendront accessibles au jugement du plus grand nombre. C'est ce qu'ont permis, au XVIIIe siècle, la création et l'ouverture au public du musée du Louvre.
Au tournant du XXe siècle, les avant-gardes font voler en éclats le chef-d'oeuvre comme principe d'excellence et de virtuosité. L'iconoclaste MArcel Duchamp a dynamité à lui seul des siècles de tradition. Il s'empare d'objets usuels, roue de bicyclette, urinoir ou porte-bouteilles - les fameux ready-mades - qu'il érige en objets d'art, pour démontrer "qu'on peut créer sans mettre la main à la pâte, sans prendre un pinceau ni travailler la matière", comme l'explique Elisabeth Couturier, auteure de L'Art contemporain, mode d'emploi (Flammarion). La postérité de Duchamp sera considérable. Après Tinguely, Klein, Arman, Warhol, et sous les coups de boutoir de la pop culture et de la médiatisation, le chef-d'oeuvre devient icône. Une affaire sémantique autant qu'artistique.
Le terme remonte au Moyen Age. Les artisans, membres de corporations de métiers, devaient fabriquer un chef-d'oeuvre pour passer maîtres et ouvrir un atelier. Au XVIIe siècle, les peintres présenteront à l'Académie, selon ce même principe, leur "morceau de réception." L'acception du mot ne sera complète que lorsque tableaux et sculptures deviendront accessibles au jugement du plus grand nombre. C'est ce qu'ont permis, au XVIIIe siècle, la création et l'ouverture au public du musée du Louvre.
Au tournant du XXe siècle, les avant-gardes font voler en éclats le chef-d'oeuvre comme principe d'excellence et de virtuosité. L'iconoclaste MArcel Duchamp a dynamité à lui seul des siècles de tradition. Il s'empare d'objets usuels, roue de bicyclette, urinoir ou porte-bouteilles - les fameux ready-mades - qu'il érige en objets d'art, pour démontrer "qu'on peut créer sans mettre la main à la pâte, sans prendre un pinceau ni travailler la matière", comme l'explique Elisabeth Couturier, auteure de L'Art contemporain, mode d'emploi (Flammarion). La postérité de Duchamp sera considérable. Après Tinguely, Klein, Arman, Warhol, et sous les coups de boutoir de la pop culture et de la médiatisation, le chef-d'oeuvre devient icône. Une affaire sémantique autant qu'artistique.
Un chef-d'oeuvre est-il parfait?
Si tel était le cas, comment expliquer l'engouement suscité par la Vénus de Milo? Depuis sa découverte dans les Cyclades, en 1820, cette statue fascine. Bien proportionnée mais amputée des deux bras, elle n'en a pas moins inspiré poètes, artistes et publicitaires. "Aurait-elle eu un tel impact si elle n'avait pas été brisée ?, s'interroge le psychanalyste Jean-Pierre Winter, auteur de Pourquoi ces chefs-d'oeuvre sont-ils des chefs-d'oeuvre? (La Martinière). Il se pourrait bien que sa mutilation ait assuré son succès durable."
"Les oeuvres cristallisent en elles plusieurs éléments, qui sont non seulement esthétiques, mais aussi sociaux, affectifs et historiques", résume Jean-Pierre Criqui, rédacteur en chef des Cahiers du Musée national d'art moderne. Plus qu'à leur perfection, elles doivent donc leur aura à leur pouvoir d'évocation, à leur richesse symbolique, à la multiplicité de leurs interprétations. Guernica en témoigne: Picasso l'exécuta en 1937, au lendemain du bombardement par l'aviation allemande de la petite ville espagnole. Aujourd'hui, ce tableau, conservé au musée Reina Sofia de Madrid, impressionne, au-delà des circonstances de sa création, par sa puissance politique.
Si tel était le cas, comment expliquer l'engouement suscité par la Vénus de Milo? Depuis sa découverte dans les Cyclades, en 1820, cette statue fascine. Bien proportionnée mais amputée des deux bras, elle n'en a pas moins inspiré poètes, artistes et publicitaires. "Aurait-elle eu un tel impact si elle n'avait pas été brisée ?, s'interroge le psychanalyste Jean-Pierre Winter, auteur de Pourquoi ces chefs-d'oeuvre sont-ils des chefs-d'oeuvre? (La Martinière). Il se pourrait bien que sa mutilation ait assuré son succès durable."
"Les oeuvres cristallisent en elles plusieurs éléments, qui sont non seulement esthétiques, mais aussi sociaux, affectifs et historiques", résume Jean-Pierre Criqui, rédacteur en chef des Cahiers du Musée national d'art moderne. Plus qu'à leur perfection, elles doivent donc leur aura à leur pouvoir d'évocation, à leur richesse symbolique, à la multiplicité de leurs interprétations. Guernica en témoigne: Picasso l'exécuta en 1937, au lendemain du bombardement par l'aviation allemande de la petite ville espagnole. Aujourd'hui, ce tableau, conservé au musée Reina Sofia de Madrid, impressionne, au-delà des circonstances de sa création, par sa puissance politique.
Un chef-d'oeuvre est-il éternel?
Par essence, il incarne la résistance à l'érosion du temps et aux fluctuations du goût. "Lorsque les musées ou les collectionneurs acquièrent une oeuvre, c'est avec l'idée qu'elle restera éternelle", explique Laurent Le Bon. Mais le destin en décide parfois autrement. Seuls les spécialistes connaissent encore le nom du peintre français William Bouguereau, qui fut pourtant une star de la fin du XIXe siècle. Les Américains s'arrachaient à prix d'or ses tableaux d'enfants et de naïades, ravalés depuis au rang de "kitsch pompier".
Nombre d'artistes renommés de leur vivant sombrent dans l'oubli avant que leurs oeuvres, bénéficiant d'une réévaluation de l'Histoire, accèdent au statut suprême. Ce fut le cas pour Georges de La Tour, peintre majeur du XVIIe siècle. Son nom a été redécouvert après un purgatoire de trois cents ans, remis au goût du jour à la faveur d'une exposition, Les Peintres de la réalité, organisée à Paris, en 1934. Une dizaine de ses tableaux y étaient présentés, dont Le Tricheur à l'as de carreau, que le Louvre acheta par la suite 10 millions de francs, somme la plus élevée jamais consentie jusqu'alors par le musée. L'artiste a été jugé à ce point important qu'on a lancé, en 1988, une souscription publique pour acheter son Saint-Thomas à la pique. Une procédure rarissime en France...
Par essence, il incarne la résistance à l'érosion du temps et aux fluctuations du goût. "Lorsque les musées ou les collectionneurs acquièrent une oeuvre, c'est avec l'idée qu'elle restera éternelle", explique Laurent Le Bon. Mais le destin en décide parfois autrement. Seuls les spécialistes connaissent encore le nom du peintre français William Bouguereau, qui fut pourtant une star de la fin du XIXe siècle. Les Américains s'arrachaient à prix d'or ses tableaux d'enfants et de naïades, ravalés depuis au rang de "kitsch pompier".
Nombre d'artistes renommés de leur vivant sombrent dans l'oubli avant que leurs oeuvres, bénéficiant d'une réévaluation de l'Histoire, accèdent au statut suprême. Ce fut le cas pour Georges de La Tour, peintre majeur du XVIIe siècle. Son nom a été redécouvert après un purgatoire de trois cents ans, remis au goût du jour à la faveur d'une exposition, Les Peintres de la réalité, organisée à Paris, en 1934. Une dizaine de ses tableaux y étaient présentés, dont Le Tricheur à l'as de carreau, que le Louvre acheta par la suite 10 millions de francs, somme la plus élevée jamais consentie jusqu'alors par le musée. L'artiste a été jugé à ce point important qu'on a lancé, en 1988, une souscription publique pour acheter son Saint-Thomas à la pique. Une procédure rarissime en France...
Sur le site de L'Express
1 commentaire:
Je trouve le Centre Pompidou de Metz magnifique.
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